LA PROTECTION DES RECETTES DE CUISINE EXCLUE PAR LA
PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE?
Corinne CHAMPAGNER KATZ et Delphine LOYER (CCK AVOCATS
ASSOCIES) nous livrent de précieuses indications concernant la protection des
recettes de cuisine. En effet, la propriété intellectuelle pourrait venir les
protéger, mais il est démontré ici les faiblesses du mécanisme. Les avocats
nous apportent néanmoins la solution en la matière.
En raison d’un attrait exponentiellement en croissance pour
les « métiers de bouche » et simultanément la concurrence croissante
dans ce domaine (gastronomie et restauration), il a été envisagé de recourir à
des fondements légaux variés afin de protéger les créations culinaires.
Tel est le cas du droit de la propriété intellectuelle, et
plus particulièrement du droit d’auteur et des dessins et modèles.
La protection conférée par le droit d’auteur apparaît de
prime abord pouvoir s’appliquer au domaine des créations culinaires, puisque
sont protégeables « toutes les œuvres de l’esprit, quels qu’en soient
le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination ».
Une recette de cuisine, un recueil illustré de mets variés,
la présentation de plats ou la forme de certaines pâtisseries pourraient
notamment bénéficier de la protection au titre du droit d’auteur.
Cette protection n’est toutefois possible que s’il est
rapporté la preuve de l’originalité de la forme, de l’expression de cette
création et non de son mérite, de sa beauté de présentation ou de sa qualité
gustative.
Les auteurs de recettes de cuisine se sont ainsi souvent
heurtés à la preuve de la condition d’originalité de leur création. La
rédaction de recettes de cuisine est souvent assimilée à une succession
d’instructions ou à une méthode, sans style littéraire particulier.
Encore récemment la jurisprudence a refusé de reconnaître
une protection au titre du droit d’auteur à des recettes de cuisine à
destination d’enfants :
« Ces recettes prennent la forme classique et stéréotypée d’une énumération des ingrédients puis d’une description étape par étape des opérations à effectuer.
Si à l’évidence par le choix de termes simples et descriptifs, le recours à la première personne de l’impératif et au tutoiement, les suggestions de se faire aider « par ta maman » ou de servir le plat « à tes copains » ou encore les conseils basiques tels que « n’oublie surtout pas, sinon le papier risque d’éclater dans le micro-onde » ou « c’est vrai l’oignon ça fait pleurer ! Tu peux essayer de mettre un masque de plongée », la formulation prend en considération le jeune public auquel est destiné ces recettes, cette caractéristique qui n’est au demeurant pas innovante comme le montrent d’autres exemples de recettes destinées aux enfants versés au débat par la défenderesse qui adoptent un ton similaire, ne suffit pas à leur donner une forme ou un contenu qui porte l’empreinte de la personnalité du rédacteur.
Aussi les recettes en cause ne relèvent pas d’une activité créatrice originale, et ne sont pas de ce fait protégées au titre des droits d’auteurs. » [1].
« Ces recettes prennent la forme classique et stéréotypée d’une énumération des ingrédients puis d’une description étape par étape des opérations à effectuer.
Si à l’évidence par le choix de termes simples et descriptifs, le recours à la première personne de l’impératif et au tutoiement, les suggestions de se faire aider « par ta maman » ou de servir le plat « à tes copains » ou encore les conseils basiques tels que « n’oublie surtout pas, sinon le papier risque d’éclater dans le micro-onde » ou « c’est vrai l’oignon ça fait pleurer ! Tu peux essayer de mettre un masque de plongée », la formulation prend en considération le jeune public auquel est destiné ces recettes, cette caractéristique qui n’est au demeurant pas innovante comme le montrent d’autres exemples de recettes destinées aux enfants versés au débat par la défenderesse qui adoptent un ton similaire, ne suffit pas à leur donner une forme ou un contenu qui porte l’empreinte de la personnalité du rédacteur.
Aussi les recettes en cause ne relèvent pas d’une activité créatrice originale, et ne sont pas de ce fait protégées au titre des droits d’auteurs. » [1].
Afin de pallier les difficultés relatives à la preuve de
l’originalité d’une création, certaines personnes se sont orientées vers la
protection conférée par le droit des dessins et modèles.
Il est encore fréquent de constater l’enregistrement auprès
de l’INPI de photographies de gâteaux, pâtisseries, sandwiches ou de tout autre
plat plus ou moins fantaisiste.
Il est néanmoins important de rappeler que le droit des
dessins et modèles permet de protéger uniquement « l’apparence d’un
produit, ou d’une partie de produit, caractérisée en particulier par ses
lignes, ses contours, ses couleurs, sa forme, sa texture ou ses matériaux. Ces
caractéristiques peuvent être celles du produit lui-même ou de son
ornementation.
Est regardé comme un produit tout objet industriel ou artisanal, notamment les pièces conçues pour être assemblées en un produit complexe, les emballages, les présentations, les symboles graphiques et les caractères typographiques, à l’exclusion toutefois des programmes d’ordinateur. » [2]
Est regardé comme un produit tout objet industriel ou artisanal, notamment les pièces conçues pour être assemblées en un produit complexe, les emballages, les présentations, les symboles graphiques et les caractères typographiques, à l’exclusion toutefois des programmes d’ordinateur. » [2]
Au surplus, seuls les dessins et modèles nouveaux et
présentant un caractère propre (c’est-à-dire suscitant une impression visuelle
d’ensemble différente de celle produite par un dessin ou modèle divulgué
antérieurement) sont protégeables au regard des dispositions du Code de la
propriété intellectuelle.
Les conditions de protection sont telles qu’il n’est pas
certain que la photographie d’un sandwich ou d’une pâtisserie déposée à titre
de dessin ou modèle permette à son titulaire de bénéficier d’une protection
efficace sur ce fondement.
Ainsi, en cas de litige entre un prétendu contrefacteur et
le titulaire d’un dessin ou modèle, ce dernier devra rapporter la preuve que
son dessin ou modèle peut être qualifié de « produit industriel ou
artisanal », ou encore que les critères de nouveauté et de caractère
propre sont bien remplis.
Ces preuves sont souvent difficilement rapportées.
Malgré une réponse parfois peu adéquate du droit de la
propriété intellectuelle à la protection des créations culinaires, d’autres voies
de droit peuvent apparaître tout aussi efficaces.
Le développement d’un concept culinaire, d’un secret de
fabrique, ou encore d’un savoir faire gastronomique, s’ils sont bien préservés
par des accords de confidentialité et/ou de partenariat, pourraient être
protégés, comme tout actif immatériel d’une entreprise.
En utilisant des outils contractuels adéquats (clause de
confidentialité et de non divulgation d’un savoir faire, développement de
chartes de qualité et de présentation…), il est possible d’apporter une valeur
économique certaine à ces actifs immatériels peu importe qu’ils soient d’ordre
culinaire.
Le droit de la concurrence déloyale et parasitaire,
lorsqu’il est correctement manié, est également un outil efficace pour
préserver ces actifs et sanctionner leur reprise par des concurrents mal
intentionnés.
A cet égard, une direction qui nous semblerait pertinente et
plus précise pour empêcher l’appropriation des actifs immatériels serait une
fois de plus la protection du secret des affaires.
Les solutions juridiques et judiciaires à mettre en œuvre
dans ce domaine sont bien entendu destinées à dissuader les acteurs économiques
déloyaux de cesser impunément de s’arroger le droit de mettre à leur seul
profit les nouvelles valeurs économiques d’autrui .
En savoir plus sur http://www.village-justice.com/articles/Comment-proteger-efficacement-les,16751.html#rbfJKO0bFd5Likh5.99